Au début du XI° siècle, le plateau sur lequel se dressent aujourd’hui le château, l’église et le centre-ville de Saint-Germain en Laye était désert et recouvert d’une épaisse forêt fort giboyeuse, en dehors des quelques « loges » des fabricants de charbon de bois et, probablement, d’une petite chapelle Saint Gilles, dont on ignore l’emplacement exact et qui dépendait probablement de l’église Saint Léger, sise alors approximativement là où se situe de nos jours le Musée du Prieuré, église de la petite agglomération de Feuillancourt, blottie autour du Ru de Buzot. Le plateau était inhabité pour la bonne raison de l’absence d’eau. La vie se concentrait alors autour de la bourgade d’Aupec, sur la Seine.
En 1028, le roi ROBERT le Pieux, probablement coutumier des chasses dans la forêt décide de fonder un Prieuré à l’emplacement de notre église actuelle. Pourquoi cette création ? Aucun texte ne permet de deviner les raisons de ce choix, qui peut apparaître curieux, mais qui va s’avérer déterminant, puisqu’il est à l’origine de notre ville. Une inscription sur une plaque de marbre, à l’entrée du chœur de l’église rappelle cette création :
« En la forêt de Laye, au XI° siècle, le roi connu sous le nom de Robert le Pieux érigea une abbaye qui fut ensuite confiée avec succès aux moines de Saint Colomban et bénéficia des faveurs royales. Celle-ci, par privilège du Pape Alexandre III séjournant à Paris, fut canoniquement déclarée « nullius » et fut longtemps florissante. »
Le Prieuré, dont la fondation s’inscrit dans le vaste mouvement de constructions d’édifices religieux qui suit le « terrible an mil », est dédié à Saint Germain, évêque de Paris au VI° siècle, fondateur à Paris de l’église Saint Vincent, ancêtre de l’église Saint Germain des Près. La communauté des moines, qui demeurera toujours modeste, est composée de six moines, placés sous l’autorité d’un prieur. En 1060, le prieuré est rattaché à l’abbaye bénédictine de Coulombs, fondée en 715 dans la vallée de l’Eure. Placé à la frontière des évêchés de Chartres et de Paris, le prieuré courrait le risque d’être l’objet d’un conflit entre ces deux diocèses, dès lors que, avec la création du château royal par LOUIS VI le Gros au XII° siècle et l’expansion de la bourgade, sa richesse croissait sensiblement. C’est pourquoi en 1163, une bulle du Pape ALEXANDRE III le déclara nullius, c’est-à-dire indépendant des deux diocèses concurrents et le rattacha définitivement à Coulombs, dont l’abbé devenait curé du prieuré et nommait un vicaire pour le représenter, en principe le prieur.
La dizaine de moines attachés au prieuré ont défriché la forêt et construit un monastère assez vaste, avec un cloitre. Ils ont creusé un puits afin de posséder leur propre source d’eau. Ce puits existe encore aujourd’hui dans la cour du presbytère, mais son accès est évidemment condamné par le pavage de la cour.
La construction du château royal, à partir de 1124, va renforcer les pouvoirs du prieur, qui obtient du roi de France un véritable pouvoir temporel : droits de haute, moyenne et basse justice, puis, en 1261, droit de fourches patibulaires (le gibet) sur le village. Il dispose donc de l’ensemble des droits seigneuriaux sur Saint Germain en Laye, y compris le droit de peine capitale par pendaison.
Le prieuré occupe donc alors une place prépondérante dans la vie de la jeune cité. Le maire est nommé par le prieur et prête serment devant celui-ci de garantir les biens des villageois, d’assurer la police et de contrôler les mesures. Il s’engage à lever les droits seigneuriaux au profit du prieur. Les moines sont sollicités pour intervenir dans différents services, en particulier dans la chapelle du château, construite par Philippe-Auguste puis saint Louis, puis à l’Hôtel Dieu fondé par Regnault d’Archer au début du XIII° siècle.

Gisant du Prince Noir dans la Cathédrale de Canterbury
Si le XIII° siècle marque indiscutablement l’apogée de la prospérité du prieuré, le début du XIV° siècle marque déjà une amorce de déclin, due sans doute à une diminution des vocations. Mais la catastrophe finale intervient avec les débuts de la guerre de Cent Ans. En effet, en 1346, le roi d’Angleterre EDOUARD III débarque en Normandie et lance immédiatement une expédition dévastatrice le long de la Seine. Il atteint Poissy rapidement puis lance une troupe, confiée à son fils de 16 ans, Edouard, surnommé le « Prince Noir », vers Saint-Germain en Laye. Le château est occupé, puis incendié, ainsi que toute la petite ville, y compris la totalité du prieuré. Les troupes anglaises vont quitter la région détruite pour participer à la funeste (pour les Français) bataille de Crécy.
L’église sera reconstruite, le prieuré subsistera, sans moine à partir de la fin du XV° siècle, jusqu’en 1708. Le curé de Saint-Germain conservera le titre, purement symbolique, de prieur jusqu’à la Révolution.